Olivier Scatton est professeur des université en Chirurgie viscérale et digestive à la Faculté de Santé Sorbonne Université et Praticien Hospitalier à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Il est responsable du centre de transplantation hépatique de la Pitié-Salpêtrière et membre de l’équipe INSERM-Sorbonne-ICAN intitulée « Maladies fibro-inflammatoires métaboliques et biliaires du foie ». Il s’est vu confier la direction du centre de transplantation hépatique de Paris, issu de la fusion de trois centres (Cochin, Saint-Antoine et Pitié-Salpêtrière). Il a mené de nombreux essais cliniques (phases II et III) en tant qu’investigateur principal : il est à date l’auteur de 333 publications indexées. Il est coordinateur national dans le domaine de la transplantation et de la chirurgie hépatique et membre du conseil scientifique de l’Agence française de biomédecine. Il est internationalement reconnu comme un pionnier de l’approche laparoscopique en chirurgie hépatique.
Un portrait signé Pr. Jean-Philippe Spano, Directeur Exécutif de l’Institut Universitaire de Cancérologie AP-HP Sorbonne Université
Au regard de l’évolution de la transplantation hépatique — de ses grands tournants historiques jusqu’à son état actuel en France et dans le monde — quels sont aujourd’hui les principaux défis cliniques, notamment pour la prise en charge des tumeurs des voies biliaires, et quels enjeux sociétaux et économiques majeurs cette discipline soulève-t-elle ?
La pénurie d’organe est, malheureusement, toujours un sujet de préoccupation pour les équipes de greffe. Globalement, il existe un greffon disponible pour 2,5 receveurs en France avec un risque de mortalité sur liste ou de sortie de liste pour aggravation de plus de 10% chaque année. Ces dernières années, nous avons assisté à une modification des indications de greffe. La greffe pour des complications de l’hépatite C a fortement diminué en raison de l’efficacité des traitements médicaux, tandis que les indications oncologiques ont pris une place importante. C’est le dernier domaine, ce que l’on nomme actuellement la transplant-oncologie, qui a émergé et pour lequel les plus grandes avancées ont été réalisées. Les défis actuels sont donc de bien définir les nouvelles indications oncologiques, de répondre à la demande en nombre de greffons et d’évaluer les résultats à plus long terme. La greffe de foie s’adresse maintenant aux tumeurs primitives du foie (hépatocarcinome et cholangiocarcinomes), mais aussi aux maladies métastatiques, telles que les métastases de tumeurs endocriniennes et de cancers colorectaux. Pour répondre à cette nouvelle demande, innover à la fois sur les techniques de greffe et sur l’obtention de nouveaux types de greffons est essentiel. Enfin, un des enjeux importants de notre communauté est communiquer sur le refus de don qui ne fait que croître en France malheureusement.
Quelles ont été les avancées technologiques et thérapeutiques les plus marquantes qui ont redéfini le champ de la transplantation hépatique, et comment votre équipe, en tant que centre de référence national, contribue-t-elle à cette dynamique d’innovation, notamment à travers le projet de nurserie de greffons ?
Il existe deux types d’avancées, celles qui concernent des formes innovantes de greffe et celles qui concernent l’augmentation du nombre de greffons disponibles. Les techniques innovantes consistent à greffer des greffons de plus en plus petits, parfois de façon auxiliaire, et la chirurgie mini-invasive, en particulier la greffe robot-assistée, afin de minimiser davantage l’impact de la chirurgie. Nous y travaillons à la Pitié et faisons partie des équipes pionnières dans le domaine de la chirurgie mini-invasive des tumeurs du foie et de la chirurgie chez le donneur vivant. L’autre avancée concerne la préservation, la réhabilitation et la préparation des greffons avant la greffe. Notre équipe a développé une « nurserie des greffons » dans laquelle des greffons limités ou jugés impropres à la greffe seront évalués ex vivo sur des machines de perfusion, conservés pendant de longues heures, voire des jours, afin de les traiter et de les réévaluer avant la greffe (par exemple, dégraisser des foies stéatosiques). Le projet est financé par le mécénat et fait partie des projets soutenus par la fondation de l’AP-HP. C’est un projet unique en France et l’un des rares dans le monde dans ce domaine. Toutes nos innovations s’appuient sur un FHU (porté par le Dr Goumard et Pr Conti) et un RHU, mis en place par nos équipes de Sorbonne Université dans le domaine de la greffe. Nos équipes d’hépatologie de greffe, d’anesthésie et de réanimation sont fortement impliquées dans les innovations en perfusion. Les travaux sur l’immunomodulation sont aussi très avancés grâce au RHU AugmentREG porté par les Pr Conti et MYIARA. Plusieurs travaux de recherche portant sur la perfusion sont financés grâce à des ANR. Nous disposons donc désormais d’un environnement clinique et de recherche unique en France. Les travaux de la nurserie seront terminés dans 3 mois et elle ouvrira des portes début janvier 2026 au sein de notre bloc opératoire.
Selon vous, quelles sont les prochaines grandes avancées à attendre dans la recherche sur les greffes du foie, et leur impact sur la prise en charge et l’accompagnement des patients ?
Les besoins sont immenses et le seront encore davantage à l’avenir dans le domaine de la cancérologie. L’augmentation de l’incidence des cancers digestifs et hépatiques en France, en particulier chez les jeunes, constitue un défi pour notre spécialité. Il faut donc se préparer à encore plus de greffes, à une meilleure organisation des soins, au recours à plus de donneurs vivants, à une chirurgie de moins en moins invasive. Nous sommes armés pour relever ces défis. Le patient est au cœur de nos préoccupations et, au sein de notre équipe, nous évaluons leur expérience grâce à des projets de recherche innovants soutenus par l’IUC. Le Dr Lim est responsable de cette nouvelle approche dite PROMS (Patient-reported outcomes).
Comment l’environnement pluridisciplinaire de l’IUC AP-HP SU permet-il de garantir une prise en charge d’excellence dans le parcours de soins des greffés hépatiques, notamment pour les cas les plus complexes ?
Le premier rôle de l’IUC est de communiquer sur l’offre de soins unique qui va du dépistage à la prise en charge médicale et chirurgicale incluant la greffe. Très peu de centres en France peuvent offrir aux malades un tel potentiel de traitement. L’IUC, par son réseau, permet de diffuser ces opportunités de traitement auprès des médecins et des malades. L’IUC soutient également financièrement des projets de recherche. Elle le fait actuellement pour évaluer l’expérience du patient. L’IUC ouvre un réseau de collaboration unique et transdisciplinaire. En effet, les patients greffés présentent un risque élevé de développer de nouveaux cancers en raison de l’immunosuppression à long terme. Disposer de l’ensemble de l’offre de soins en cancérologie permet une prise en charge globale et unique en assurant un suivi centralisé de haut niveau.
- Pour aller plus loin :
Le site Institut du foie : www.institutdufoie.com