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Entretien avec le Pr. Rachel Levy, Directrice Médicale du DMU BIOGEMH et responsable du centre de préservation de la fertilité de l’hôpital Tenon

Le Professeur Rachel Levy est Professeur des Universités – Praticien Hospitalier (PU-PH) en Biologie et Médecine du Développement et de la Reproduction à la Faculté Sorbonne Université et au sein du laboratoire de Biologie de la Reproduction – CECOS de l’hôpital Tenon, dont elle a assuré la chefferie de service jusqu’en avril 2024, et y dirige actuellement le centre de fertilité. Son expertise reconnue internationalement se traduit par des postes de responsable au sein de plusieurs instances : BLEFCO*, COPIL « stratégie nationale de lutte contre l’intertilité », CNU*, Agence de Biomédecine… Fortement impliqué dans la transmission des connaissances, elle est co-responsable de la masterclass infertilité à l’Université des Patients. Enfin, son engagement dans la recherche et les innovations s’est matérialisé par la co-fondation des start-up ALIFERT et Movalife Microrobotics, ainsi que par sa participation en tant que membre du Conseil d’Administration de Femtech France. Et pour terminer avec une touche très personnelle, je salue son ambition et son efficacité redoutable pour les structures et les projets qu’elle porte ainsi qu’une forte passion pour les thématiques d’avenir.

 

Un portrait signé Pr. Nathalie Chabbert Buffet, Praticienne Hospitalier dans le service de Gynécologie Obstétrique et Médecine de la Reproduction à l’hôpital Tenon.

 

Quel est l’état de la PMA dans le monde et en France et quels en ont été les grands tournants ?

L’état de la PMA doit d’abord être analysé dans le contexte d’une véritable crise de la fertilité, qui est désormais mondiale. Non seulement le taux de natalité est en déclin global (près des deux tiers de la population mondiale affichent des niveaux de fécondité inférieurs au seuil de renouvellement), mais la fertilité elle-même chute. Les données montrent, par exemple, qu’en 50 ans, le nombre de spermatozoïdes a diminué de moitié, avec une accélération notable de cette tendance depuis les années 2000, un constat alarmant souligné par le CCNE. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rappelle que une personne sur six est ou sera concernée par l’infertilité, ce qui représente près de 15 % des couples. Face à ce défi, la Fécondation In Vitro (FIV) est la solution la plus déployée, avec plus de trois millions de cycles réalisés chaque année dans le monde. C’est une discipline très jeune, qui a permis la naissance de près de 10 millions d’enfants dans le monde depuis Louise Brown en 1978. Aujourd’hui, environ 5 % des enfants nés dans les pays développés, soit un enfant sur 30 en France, sont issus d’une assistance médicale à la procréation. Les grands tournants techniques ont été la mise en place de la vitrification embryonnaire et ovocytaire en France en 2011, une technique de congélation ultrarapide qui a révolutionné la culture embryonnaire. D’un point de vue législatif, nos activités sont étroitement encadrées par la loi de Bioéthique du 21 août 2021.

 

Quels sont, selon vous, les principaux défis aujourd’hui dans l’accompagnement des femmes et des hommes à la PMA ?

Nos défis sont nombreux et couvrent plusieurs aspects :

Tout d’abord, l’optimisation des résultats est la priorité, car le taux cumulé d’accouchement en France atteint environ 30 % en 2021, avec des variations importantes. Pour améliorer ce chiffre, il est indispensable d’optimiser chaque étape du processus de FIV, mais aussi d’agir en amont. C’est pourquoi l’amélioration du mode de vie (obésité, sommeil, stress) et la réduction de l’exposition à l’environnement (perturbateurs endocriniens) est un élément clé. Nous visons une prise en charge holistique et personnalisée, reconnaissant l’impact de ces facteurs sur la qualité des gamètes et la santé des enfants (concept DOHAD). Notre centre est très engagé sur ce point : nous avons développé des outils comme le score d’exposition aux perturbateurs endocriniens et le score ALIFERT, qui évalue les facteurs nutritionnels et métaboliques du couple, actuellement en expérimentation.

D’un point de vue technologique, l’enjeu actuel est l’automatisation des différentes étapes de la FIV, afin de maîtriser les conditions environnementales, réduire la grande hétérogénéité des résultats entre les centres et minimiser le risque d’erreur. C’est le sens de notre collaboration avec l’ISIR et la start-up Movalife Microrobotics, qui associe robotique, IA et microfluidique pour optimiser l’ensemble des étapes de la FIV. Enfin, d’un point de vue humain, nous devons résoudre la forte tension sur les techniciens spécialisés : nous avons pour objectif de mettre en place un training center sur Sorbonne Université pour former les embryologistes. Le dernier point, tout aussi important, est celui de la démocratie sanitaire avec la formation de nos premiers patients experts en masterclass infertilité, grâce au soutien de l’Université des Patients.

 

Quels sont plus largement les enjeux sociétaux et économiques découlant de l’évolution de la PMA ?

La loi de bioéthique d’août 2021 a généré des enjeux sociétaux majeurs en ouvrant l’accès à la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, et en autorisant l’autoconservation ovocytaire dans un contexte sociétal entre 29 et 37 ans. De plus, elle a introduit une levée partielle de l’anonymat des donneurs. Ces nouveaux parcours ont profondément impacté les centres autorisés, en particulier les centres publics, en entraînant un véritable « tsunami » d’augmentation des demandes. En 2024, par exemple, plus de 5 000 personnes ont bénéficié d’une autoconservation ovocytaire non médicale. Ce pic d’activité se traduit par d’importants défis économiques et organisationnels, notamment en Île-de-France où le délai d’attente moyen pour l’autoconservation ovocytaire atteint malheureusement 24 mois.

 

Quelles sont les avancées médicamenteuses et/ou technologiques les plus marquantes dans le domaine de la PMA, et quels problèmes éthiques soulèvent-elles ?

L’éthique est au cœur de notre discipline. Tandis que la loi de Bioéthique 2021 a ouvert l’accès à de nouveaux publics, certaines prises en charge restent strictement interdites en France, comme la GPA (gestation pour autrui), la ROPA (réception d’ovocytes de la partenaire) ou l’AMP post-mortem avec les gamètes du conjoint décédé.

Les progrès les plus prometteurs pour l’avenir sont aussi ceux qui soulèvent le plus de questions éthiques. Je pense notamment aux gamètes artificiels ou synthétiques, produits à partir de cellules souches, qui pourraient à terme résoudre certaines infertilités aujourd’hui incurables. D’autres évolutions majeures sont apportées par la génétique (DPI-A, diagnostic préconceptionnel) et surtout la technologie CRISPR, qui permet la correction de gènes responsables de maladies héréditaires. Ces techniques, qui ne sont pas autorisées en France, pourraient révolutionner nos pratiques, mais nécessitent une validation éthique et clinique très rigoureuse. Enfin, les progrès des embryoïdes (modèles d’étude du développement embryonnaire conçus à partir de cellules souches) et des organoïdes nous permettent d’approfondir nos connaissances en physiologie de l’infertilité.

 

Au-delà des techniques, quels sont les progrès les plus prometteurs dans ce domaine en matière de santé globale et spécifiquement la santé des femmes ?

Le progrès le plus prometteur est sans doute la reconnaissance de l’interconnexion entre l’infertilité et la santé globale. L’infertilité n’est plus vue comme une simple fonction défaillante, mais comme un indicateur : les personnes infertiles ont par exemple plus de risques de développer des maladies cardiovasculaires. La prise en charge du mode de vie et de l’environnement, que nous mettons en place avec des outils comme ALIFERT, a donc un impact double : elle améliore les chances de procréation tout en agissant sur la santé globale du couple et sur la santé future de l’enfant (DOHAD).

Plus spécifiquement pour la santé des femmes, l’accès aux techniques de préservation de fertilité (PF) – qu’il s’agisse de la congélation d’ovocytes ou d’embryons – est une avancée majeure. L’information sur la toxicité des traitements (notamment anticancéreux) sur les gonades doit être donnée le plus tôt possible, car la PF est devenue un droit essentiel qui permet aux femmes de préserver un projet de vie malgré la maladie.

 

Comment l’IUC AP-HP Sorbonne Université affirme-t-il son statut dans cette démarche innovatrice et quelles sont les perspectives d’évolution de cette synergie pluridisciplinaire ?

L’IUC AP-HP Sorbonne Université affirme son statut d’acteur majeur de l’innovation et de l’oncofertilité sur plusieurs fronts. Nous sommes engagés dans le développement technologique avec des projets de robotique et d’IA (Movalife) pour automatiser et sécuriser la FIV, mais aussi dans l’accompagnement holistique avec l’expérimentation du score ALIFERT en préconceptionnel.

Sur le plan des soins, l’accès aux techniques de préservation de fertilité (PF) est un point fort pour tous nos patients – hommes, femmes, enfants. Nous mettons un point d’honneur à informer les patients le plus tôt possible sur les risques des traitements sur leurs fonctions de reproduction et sur les options de conservation de leurs gamètes, même si la PF doit être réalisée à distance des traitements du cancer.

L’avenir de la discipline au sein de l’IUC repose sur le renforcement des liens entre les équipes d’oncologie et les équipes clinicobiologiques d’oncofertilité. Une prise en charge multidisciplinaire élargie – incluant non seulement les oncologues et les biologistes, mais aussi les professionnels prenant en charge le mode de vie et l’environnement – est essentielle. C’est cette synergie qui améliorera non seulement les résultats en oncofertilité, mais aussi le suivi et la qualité de vie à long terme des patients ayant bénéficié d’une PF.

 


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